Pérégrinations...

N'avez-vous jamais réfléchi à la vie d'une valise, à tout ce qu'elle renferme et conserve secrètement comme ces vieilles malles aux trésors capables de féconder l'imaginaire le plus opaque ?
Mes valises traversent le temps, et je ne me soucie pas de les ménager, elles heurtent le bitume de plein fouet, descendent les marches sans précaution, elles subissent, elles suent, car il n'est pas de voyage sans bruit, et sans blessure...

L'imposante valise noire, après avoir vécu 4 mois durant dans une roulotte, sommeille dans une chambre mauricienne tandis que la verte, légère, pérégrine depuis plus d'un mois et demi au gré des balades et des aspirations.
Plus émouvant encore est l'histoire d'une porte qui se ferme, d'une valise qui s'en va et attire avec elle ces deux chiens, compagnons de l'itinérance.
Le jour de mon départ de chez mon cousin, deux chiens, distants de quelques mètres de ma valise, l'un devant, une femelle avec laquelle j'ai cohabité 10 jours durant, et l'autre, un voisin, mâle blanc épris de la belle, ont décidé d'accompagner ma valise. Je les repousse pour qu'ils cessent de me suivre sur ce chemin de cannes à sucre... vainement. Plus loin devant nous, la grande route, dense, dangereuse... les voitures et les bus se croisent, se frôlent.
Au bout du chemin, c'est sûr, ils vont rentrer chez eux, comme le fait tout chien qui s'éloigne de sa gamelle...
Emue, je me suis arrêtée pour prendre des photos, la valise tenue droite sur ce chemin bordé de cannes, le chien blanc évitant de s'approcher de moi, et qui, malgré tout, suit ma valise en gardant une distance de 3 mètres.
Voici maintenant la grande route et le temps des adieux, les chiens vont rebrousser chemin...

Mais il n'en est rien...
Nous voici tous les trois sur l'asphalte chauffé et bruyant, la valise zigzaguant entre le chaos des moteurs. A chaque seconde le danger nous tutoie. Faire machine arrière ne servirait à rien car je dois partir et les chiens restent dehors.

Il n'est donc pas de porte pour nous tenir éloigné.
Les gens nous regardent, étonnés... la valise poursuit sa route, et avec elle, l'étrange aventure des chiens, risquant leur vie à tout instant... d'une voix ferme, je parviens à garder la chienne à mes côtés pour que les voitures ne la fauchent pas, et elle se plie à ce règlement nouveau, tandis que l'autre, le chien sans nom, garde sa distance, le regard triste.
Arrivée à l'arrêt de bus, et parvenant à garder la chienne assise, je contacte mon cousin pour qu'il vienne la chercher.
Le bus arrive, les gens montent dedans, et ils nous regardent intrigués par cette valise verte au côté de laquelle, se couche une chienne...
A la descente de l'avion et en traversant l'île, le regard est rapidement surpris par le nombre de chiens errants. Ils cohabitent avec la circulation, les Mauriciens sont habitués à les éviter et à s'attendre à les voir surgir sur les routes encombrées.
Ici, il ne s'agit pas de chiens errants... la chienne fait partie d'une meute joyeuse et attachante de 4 chiens. Un bonheur !
Arrive le moment où les portes se referment, la chienne venant une dernière fois sentir le parfum de ma valise avant de s'engouffrer dans la voiture. Et, tandis que les portes du bus se referment, je cherche du regard le chien blanc, tenu à distance de la valise, et qui, sur les hauteurs d'une butte, se retrouve bien seul...
Arrivée à Port-Louis, je vais m'empresser de connaître son sort...
Il a retrouvé le chemin de la meute, et tous, s'endorment la nuit les uns contre les autres, rêvant peut-être à une nouvelle aventure...
La valise poursuit son chemin, après un séjour à Curepipe, elle a reçu un cadeau du ciel : se nicher dans un campement à Mahébourg, véritable havre de paix et source intarrissable d'aspiration...

- Clémence, le temps passe si vite, regarde vite ton passeport, me crie-t-elle à l'oreille !
Je me précipite vers ma valise, et découvre que mon visa est arrivé à son terme depuis trois jours.
Dès le lendemain, j'accours au bureau des passeports à Port-Louis...
- Je souhaite étendre mon séjour, je déclare.
L'employé saisit mon passeport, prend un morceau de papier, un stylo et il compte le nombre de jours de présence sur l'île...
- 87 jours, annonce-t'il en posant sur moi un visage sérieux. Non, je ne peux pas renouveler votre visa. Il vous reste trois jours sur les 90 jours "business" autorisés dans une année pour séjourner à Maurice.
- oh la la ! Mais je suis actuellement en "touriste", je lui précise.
- Vous ne pouvez pas changer de registre à votre guise, m'indique-t-il. Il vous reste trois jours...
- Et qui peut faire quelque chose pour moi ?
Nous sommes jeudi...
Je vais quitter le bureau des passeports, m'installer à la terrasse d'un café et inscrire sur mon carnet de voyage : où serai-je dimanche ?

Sous un palmier ou dans l'avion ?
La valise va vivre une fin de semaine des plus palpitantes
"3" me dis-je... est un chiffre que j'affectionne tout particulièrement
... /affaire à suivre...

Aucun commentaire: